Délirante, ruineuse et obsolète

Le projet de fusion ITER a 18 ans de retard et ne peut rien faire pour le changement climatique écrit Antoine Calandra

ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) est un projet international de recherche et d’ingénierie sur la fusion nucléaire par tokamak, dont le budget et le calendrier ont été largement dépassés, et qui est actuellement en cours de construction à côté de l’installation nucléaire de Cadarache, dans le sud de la France.

L’Inde fait partie des 7 pays partenaires du projet ITER avec l’Union européenne, la Russie, le Japon, les États-Unis, la Chine et la Corée du Sud. Macron aura beau fanfaronner, ITER est un fiasco total, un projet délirant, ruineux et obsolète.

Le 14 novembre 2024 se tenait à Peyrolles la réunion publique annuelle intitulée : ITER, 15 ans : quel bilan?

Je m’attendais au grand jeu pour l’évènement et récupérer là quelques informations récentes sur le chantier ITER…Mais surprise, rien de tout cela !

Une salle polyvalente quelconque, aucun décor, aucun document disponible, une lumière blanche peu agréable, une quarantaine de personnes présentes, que des internes ( salariés CEA ITER*, membres de la CLI, élus locaux, quelques membres syndicaux)

La conversation se poursuit, tout comme l’interminable projet ITER, qui ne peut absolument rien faire pour lutter contre le changement climatique. (Photo : IAEA Imagebank)

Pour l’événement tables et chaises étaient agencées autrement « pour une ambiance plus conviviale un peu cabaret » ai-je entendu dire. Ah !?

Pietro Barabaschi,, Directeur Général ITER n’était pas là.

Aucun ordre du jour pour annoncer le déroulement de la soirée avec le nom des intervenants, comme les fois précédentes. Une très maigre présentation du projet ITER ( 5 ou 6 images) et c’en était fini. Et « place aux questions de la salle ». Ah !

Bref, la réunion publique ITER la plus minable à laquelle j’ai assisté . Une réunion publique à l’image du bilan ITER.

ITER, quel bilan ?….un désastre !

Nous l’écrivions déjà en 2005 avec l’association MEDIANE «  ITER, un projet nucléaire dangereux, ruineux et perdu d’avance»

Les dernières nouvelles Importantes concernant ITER sont tombées le 3 juillet 2024 lors de la conférence de presse de Pietro Barabaschi, l’actuel Directeur Général ITER, des nouvelles qui étaient attendues depuis un an.

Un nouveau calendrier : 9 années de retard supplémentaires !

Le premier plasma était pour 2016 au départ, puis reporté à 2025. Il est renvoyé à 2034. On en est à 18 ans de retard.

Et avec le nouveau calendrier, un coût supplémentaire de 5 milliards € !

Soit à ce jour au moins 25 milliards d’euros d’argent public, un coût multiplié par cinq. Et en réalité plus de 40 milliards d’euros en comptant la participation en nature des pays partenaires du projet.

Le Directeur ITER a reconnu que «  La fusion ne peut pas arriver à temps pour résoudre les problèmes auxquels notre planète est aujourd’hui confrontée, et des investissements dans d’autres technologies, connues et inconnues, sont absolument nécessaires »

Pourtant les discours et engagements pour faire accepter ce projet de fusion nucléaire étaient tout autre en 2006 au moment de cette mascarade de débat public.

On pouvait même lire qu’après ITER était prévu DEMO, démonstrateur pré-industriel, pour« prouver la faisabilité industrielle de cette technologie vers 2040 et démontrer que la fusion peut, à l’horizon 2050, produire de l’électricité à l’échelle industrielle ».

Une fois encore les 7 pays partenaires ( Union européenne, Russie, Japon, États-Unis, Chine, Inde et Corée du Sud) sont d’accord pour payer davantage. Mais le Directeur ITER envisage à présent de trouver des acteurs privés pour tenter de combler ce gouffre financier.

Plusieurs entreprises privées n’attendent plus rien d’ITER mais croient dur dans la fusion nucléaire et promettent une production d’électricité dans des délais plus courts.

Certains affirment même qu’ITER sera obsolète au moment de sa mise en service.

Je rajouterai que ITER ne fonctionnera probablement pas et qu’il n’y aura Jamais de production industrielle d’électricité grâce à la fusion nucléaire.

La fusion nucléaire ne sera ni « une révolution pour l’humanité », ni « l’énergie du futur ». 

Ce n’est pas une énergie propre, ni même une énergie abondante. Elle est dangereuse pour la santé humaine et produit des déchets radioactifs.

Son intérêt est avant tout militaire et tenter de sauver la filière nucléaire mal en point depuis plusieurs années.

ITER ne marchera probablement jamais et finira par un fiasco total, pire que SuperPhénix* qui devait être le fleuron de l’industrie nucléaire française.

Une maquette de la centrale nucléaire Superphenix, véritable pièce de musée, exposée au National Atomic Museum d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique. (Photo : Marshall Astor/Wikimedia Commons)

Mais en dilapidant tous ces milliards, le monstre ITER aura réussi à bloquer toute avancée vers un autre modèle énergétique et imposer la poursuite de l’industrie nucléaire pour les années futures.

Ce mythe d’une énergie gratuite et inépuisable qui permettrait de consommer et gaspiller indéfiniment est à éliminer des esprits une fois pour toutes. Il est temps aussi d’en finir avec ce gigantisme et cette centralisation de la production dans les mains d’états dirigistes et puissants, au service des plus riches.

Les solutions pour le futur sont connues depuis longtemps :

économiser l’énergie, mettre fin au gaspillage, développer et améliorer les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique) seules vraies énergies propres et d’avenir.

Et ne pas les développer de manière industrielle et centralisée, ce qui est le cas évidement et malheureusement.

L’industrialisation du monde est à combattre. Un nouveau projet de société est préalable à tout projet sur l’énergie.

L’avenir est à de petites unités de production, locales ou régionales, d’une technologie accessible au plus grand nombre, peu gourmandes en énergie, évitant le coût de la distribution.

La fusion nucléaire, comme la fission, est une énergie dangereuse, sale et coûteuse. Une technologie réservée aux pays riches, complexe, centralisée, qui provoque prolifération, dépendance, injustice et guerres.

* CEA : Commissariat à l’Énergie Atomique

* CLI: Commission locale d’information

* SuperPhénix, ancien réacteur nucléaire, mis en service en 1986, définitivement arrêté en 1997, prototype de réacteur à neutrons rapides à caloporteur sodium. Une machine dangereuse qui a englouti plus de 60 milliards de francs pour ne tourner que trente mois en douze années d’existence.

Antoine Calandra est ancien administrateur du Réseau “Sortir du nucléaire”, et membre de l’association Médiane. Cet article a d’abord été publié en français sur Mediapart.

Photo du centre du complexe tokamak sur le site d’ITER pendant la construction en 2018 Oak Ridge National Laboratory/Wikimedia Commons.

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